Dater la formation du massif de Belledonne pour comprendre la formation des Alpes
Comprendre la formation des Alpes n’est pas une mince affaire, qui nécessite d’étudier les processus de déformation à grande et à petite échelle mais également de dater les événements tectoniques.
L’histoire des Alpes enregistrée par la déformation
Les Alpes sont nées de la collision entre deux plaques tectoniques : la plaque eurasiatique et la plaque africaine. Cet épisode tectonique majeur a été associé à une intense déformation des unités géologiques, comprimées les unes contre les autres. Il apparait que dans les Alpes, ces unités se sont déformées suivant deux modes différents. On observe ainsi une déformation dite distribuée et une déformation dite localisée, qui se fait généralement le long de grands systèmes de failles. Ces deux modes de déformation aident à comprendre la façon dont se sont formées les Alpes. L’étude des marqueurs de la déformation permet ainsi de remonter le temps, comme si l’on « dépliait » les montagnes, et d’observer les différents stades d’évolution de la chaîne. Or, si les marqueurs de la déformation localisée sont faciles à identifier, la déformation distribuée est bien plus subtile à observer sur le terrain. À l’heure actuelle, elle est encore peu documentée, en particulier au niveau des zones internes des chaînes de montagnes.
Dans la partie externe des Alpes de l’Ouest, l’histoire de la collision alpine semble marquée par une première phase de déformation distribuée, que l’on observe au niveau des Massifs Cristallins Externes comme le Mont Blanc, les Aiguilles Rouges ou le massif de Belledonne. Cette déformation se caractérise par la présence de nombreuses zones de cisaillement. Une seconde phase de déformation localisée se met en place, associée à l’activation de grandes failles (chevauchements/rampes) situées sous ces massifs.
Dater la transition du mode de déformation
La transition entre ces deux modes de déformation semble correspondre à une étape cruciale dans la formation des Alpes, qui est l’initiation d’un grand système de failles que l’on appelle « rampes ». Ces failles découpent les unités géologiques et sous l’effet de la compression, mènent à la production d’écailles qui vont se superposer au fur et à mesure du raccourcissement imposé par la collision. Cette transition semble dater le début de la formation des Massifs Cristallins Externes.
Il faut savoir que la formation de ces massifs s’est faite très progressivement, sous l’effet de la pression et du jeu des failles. Lentement, les roches profondes du socle ont été poussées vers le haut. Leur couverture sédimentaire, composée de roches plus tendres, a ensuite été supprimé petit à petit par l’effet de l’érosion. D’où le terme de massifs « cristallins ». La datation de cette phase d’exhumation est cependant mal contrainte. Jean-Baptiste Girault de l’ISTeP et ses collègues, se sont donc attelés à mieux contraindre cette étape de la formation des Alpes, notamment en effectuant des datations thermo-chronologiques.
Les résultats, publiés dans Tectonophysics, suggèrent que la compression liée à la collision a été en premier lieu accommodée par une déformation distribuée au niveau des massifs cristallins externes, puis par le développement de grands systèmes de chevauchements (déformation localisée). Les résultats des datations réalisée sur les roches des massifs cristallins montrent que l’exhumation du Belledonne et du Pelvoux aurait commencé vers 27 millions d’années. Cette phase d’exhumation précoce aurait été plutôt lente (50 mètres par millions d’années) et semble dater le début de la transition entre les modes de déformation distribuée et localisée avec notamment l’initiation du système de rampes sous les massifs. Du côté du Mont Blanc et des Aiguilles Rouges, plus au nord, l’exhumation aurait été très active autour de 18 millions d’années. Cette phase est caractérisée par une accélération de l’exhumation (500 mètres par millions d’années), témoignant d’une localisation générale de la déformation sur les grands systèmes de failles.
Morgane Gillard
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Chiffres clés
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