Les mangroves face à l’urbanisation des côtes et à la pollution aux métaux lourds
Les mangroves sous la pression de l’urbanisation
Situées à l’interface entre la terre et la mer, les mangroves représentent des écosystèmes essentiels des régions intertropicales. Elles assurent notamment la fonction de zone tampon en stoppant les sédiments et la pollution en provenance des terres, protégeant ainsi les fragiles milieux aquatiques adjacents. Pourtant, ces écosystèmes sont actuellement soumis à la pression croissante de l’urbanisation des côtes. Parmi les 20 pays possédant la plus grande surface de mangroves, 17 sont en effet considérés comme des pays en voie de développement, avec un tiers de la population vivant sur les côtes. Pour ces pays, les mangroves sont souvent un frein au développement économique et urbain. Dans les années 1980, la superficie des mangroves a ainsi été réduite de 35% et les surfaces restantes sont de plus en plus victimes de la pollution liée au ruissellement des eaux de pluies dans les zones urbanisées.
Une accumulation de métaux lourds dans les sols des mangroves
Il apparaît en effet que l’eau qui ruisselle jusqu’aux mangroves est fortement chargée en éléments-traces métalliques. Présents naturellement en faible quantité dans l’environnement, ces métaux lourds s’avèrent cependant toxiques lorsqu’ils sont assimilés massivement par les organismes vivants. Or, l’activité humaine produit de grandes quantités d'éléments-traces métalliques, qui se retrouvent ensuite transportés sur de longues distances et vont s’accumuler dans les divers écosystèmes qui jouxtent les milieux urbains et industrialisés.
Les mangroves, qui jouent leur rôle de filtre, se transforment ainsi en véritables réservoirs d'éléments-traces métalliques. Une équipe de chercheurs s’est donc intéressée à l’impact que peut avoir cette accumulation de métaux lourds dans les sols des mangroves, notamment en Nouvelle Calédonie.
La pollution favorise l’assimilation des métaux lourds dans les racines
Si jusqu’à présent les plantes étaient considérées comme résistantes à cet apport d’éléments métalliques, notamment grâce au développement de certains mécanismes, des effets négatifs ont cependant été identifiés (croissance réduite, mort de certaines espèces végétales, modifications biochimiques), indiquant que dans certaines conditions, les métaux peuvent être assimilés par les plantes. En comparant un site soumis à la pollution des eaux de ruissellement des villes à un site témoin, les chercheurs ont démontré que la pollution aux éléments-traces métalliques engendre en effet une importante modification des propriétés physico-chimiques du sol de la mangrove située en zone urbaine. Alors que le site témoin présente un pH acide et une importante salinité, le site sous influence urbaine présente un pH neutre et une faible salinité. Il apparaît également que si la concentration des métaux est généralement plus importante dans le sol du site témoin, elle est nettement plus élevée dans les racines des arbres du site urbain. Cela indique que la modification des propriétés physico-chimiques du sol dans la mangrove urbaine entraîne une biodisponibilité plus importante des éléments-traces métalliques, qui seront alors plus facilement assimilés par les plantes.
Mise en place de mécanismes de défense
Et pourtant, la situation est moins dramatique qu’elle semble l’être, les plantes semblant s’être adaptées pour se protéger de cette pollution. Les analyses, publiées dans Frontiers in Environmental Science, montrent en effet que les éléments-trace métalliques présents dans les racines ne sont globalement pas transférés vers les feuilles des arbres. Les chercheurs évoquent plusieurs mécanismes qui pourraient permettre aux plantes de maintenir ces éléments métalliques dans leurs racines, les empêchant de migrer vers les autres organes de la plante. La formation de plaques de fer à la surface des racines pourrait d’ailleurs être un mécanisme de défense efficace.
Mangrove sur l’île de Java © Putra Mahanaim Tampubolon, Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0
Brève rédigée par Morgane Gillard
Pour en savoir plus : Robin SL, Marchand C, Mathian M, Baudin F and Alfaro AC (2022), Distribution and bioaccumulation of trace metals in urban semi-arid mangrove ecosystems. Front. Environ. Sci. 10:1054554. doi: 10.3389/fenvs.2022.1054554
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