Vers une meilleure compréhension des mécanismes de déformation dans la croûte inférieure

Deux mécanismes de fluage sont habituellement évoqués dans les lois rhéologiques qui gouvernent la déformation de la croûte inférieure : le fluage par diffusion et le fluage par dislocation. Une nouvelle étude révèle cependant que les processus de dissolution-précipitation pourraient également jouer un rôle très important.
Comme la plupart des matériaux, les roches qui composent la lithosphère terrestre ne se déforment pas de la même façon suivant les conditions de pression et température auxquelles elles sont soumises. Ainsi, si la partie supérieure accommode la déformation (à grande échelle) suivant un mode cassant, produisant failles et séismes, les niveaux plus profonds répondent à une loi de déformation ductile. Le matériel flue dans ce cas de manière visqueuse et asismique le long de zones de cisaillement. La limite entre ces deux grands domaines rhéologiques se situe vers une température de 350°C.
Le fluage par dissolution-précipitation, autre mécanisme permettant d’accommoder la déformation
En-dessous de la zone sismogène, le fluage est permis par des processus qui se jouent au cœur du réseau cristallin des minéraux, soit par le mouvement de dislocations (dislocation creep), soit par diffusion de défauts (trous) au sein du réseau atomique (diffusion creep). Cependant, de plus en plus d’études montrent qu’un autre mécanisme de fluage peut également intervenir dans certaines conditions, que l’on retrouve notamment à la base de la croûte. Il s’agit du fluage par dissolution-précipitation, qui se fait en présence de fluides et d’agrégats composés de plusieurs minéraux. Ce fluage s’opère par réactions chimiques entre les minéraux et par transfert de masse le long des limites de grains. Un mécanisme qui est supposé jouer un rôle important pour l’initiation et le développement des zones de cisaillement visqueuses. Toutefois, le rôle et l’efficacité de ce fluage par dissolution-précipitation restent mal contraints, tout comme les conditions qui le favorisent.
Un échantillon représentatif des conditions de la croûte inférieure
Des zones d’ombres que Louise Mérit (ISTeP) et ses collègues de l’ENS, de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans et de l’Université de Tromsø ont voulu éclaircir. Les chercheurs ont ainsi analysé des métagabbros provenant d’une zone de cisaillement formée à une pression de 1 GPa et 690°C il y a environ 432 millions d’années lors de l’orogenèse Calédonienne. Ces échantillons sont représentatifs des conditions régnant dans la croûte inférieure. Les variations de composition et des microstructures dans ces roches ont été analysées afin de quantifier les mécanismes de déformation à l’échelle des grains et les interactions entre la réduction de la taille des grains, les réactions minérales, le mélange des phases et le transfert de matière.
Les résultats publiés dans la revue Earth and Planetary Science Letters montrent que le fluage par dissolution-précipitation est dominant dans ces échantillons. Au fil de la déformation, la formation de nouveaux minéraux métamorphiques permet une réduction de la taille des grains et une homogénéisation de la composition minérale via la dissolution, le transport et la précipitation. Ces processus sont favorisés par la présence de fluides circulant entre les grains. Les résultats révèlent d’ailleurs que dans ce cas précis, les fluages par diffusion et par dislocation ne jouent qu’un rôle minime dans l’accommodation de la contrainte tectonique.
Brève rédigée par Morgane Gillard
Pour en savoir plus : Louise Mérit, Mathieu Soret, Benoît Dubacq, Philippe Agard, Jacques Précigout, Holger Stünitz, Grain-scale feedback between deformation mechanisms and metamorphic reactions: Dissolution-precipitation processes in the lower crust (Kågen gabbros), Earth and Planetary Science Letters, Volume 656, 2025, 119275, ISSN 0012-821X, https://doi.org/10.1016/j.epsl.2025.119275.
Image
Schéma conceptuel présentant le processus de dissolution-précipitation à l’échelle des grains © Mérit et al. 2025, Earth and Planetary Science Letters
Image couverture :
© Louise Mérit
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Chiffres clés (Mars 2025)
L'ISTeP comprend 131 membres dont :
Permanents (66)
- Professeurs : 17 (+2 PAST)
- Maîtres de conférence : 26
- Directeurs de recherche CNRS : 1
- Chargés de recherche CNRS : 1
- ITA : 19
Personnels non permanents (65)
- Collaborateurs bénévoles / émérites : 17
- Chaire de professeur junior : 1
- Enseignants-chercheurs contractuel : 2
- 1 MCF accueil en délégation
- ATER et Post-Docs : 9
- Doctorants : 32
- ITA-BIATSS : 3