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ISTeP - UMR 7193
Institut des Sciences de la Terre de Paris

Autopsie d’une dorsale ultra-lente : les processus d’exhumation disséqués

On sait aujourd’hui que le magmatisme n’est pas le seul mécanisme permettant de produire de la croûte océanique au niveau d’une dorsale. Les processus tectoniques, notamment via l’exhumation de matériel mantellique sont tout aussi fréquents. Cependant, ces derniers sont encore mal caractérisés. Une nouvelle étude s’est ainsi intéressée à la structure interne de la croûte au niveau de la dorsale ultra-lente Sud-Ouest Indienne afin de mettre en évidence les mécanismes tectoniques et magmatiques qui gouvernent sa formation.

 

Formation de la croûte océanique : des processus magmatique et/ou tectonique

 

Au fond des océans se joue un processus essentiel pour la tectonique des plaques : la formation de nouvelle croûte océanique. Longtemps considéré comme purement magmatique, ce processus s’avère en réalité être bien plus complexe qu’on ne le pensait. La vitesse d’accrétion apparait ainsi très variable d’une dorsale à une autre et cela entraine des mécanismes de formation de la croûte océanique différents. Alors que les dorsales rapides sont généralement associées à une remontée de magma et à la formation d’une croûte mafique rugueuse, de 6 à 7 km d’épaisseur, les dorsales lentes, voire ultra-lentes, sont quant à elles associées à des processus plutôt tectoniques. Au lieu d’être fondues et de remonter sous forme de magma, les roches du manteau y sont exhumées le long de grandes failles dites « de détachement ». La croûte océanique qui en résulte possède alors une composante ultramafique bien plus importante et une surface plus lisse. Elle montre également une épaisseur globalement plus faible, pouvant atteindre seulement 3 km. 

On sait aujourd’hui que la moitié des 60 000 km de dorsales qui courent dans les océans du globe sont en réalité des dorsales lentes, qui possèdent des taux d’accrétions inférieurs à 40 mm/an. 12 000 km seraient plus spécifiquement associés à des dorsales ultra-lentes, dont les taux d’accrétion sont inférieurs à 20 mm/an. 

 

Des failles qui s’enchaînent et changent de sens

L’analyse des structures d’exhumation le long de ces dorsales révèle que dans certains cas, les failles de détachement se produisent de façon récurrente, mais suivant un scénario bien particulier : le sens de chaque faille va alterner, ce qui va aider à produire de la nouvelle croûte océanique de façon plus ou moins symétrique, malgré le fait que le processus d’exhumation en lui-même soit asymétrique. Cette évolution en « flip-flop » a notamment été observé et décrit le long de la dorsale Sud-Ouest Indienne. Il se traduit par la production d’une croûte océanique très lisse, montrant une alternance de dômes et de rides parallèles à la dorsale. Des prélèvements ont révélé que cette croûte possédait de fortes proportions de péridotites serpentinisées, qui résultent de l’hydratation des roches du manteau mises à l’affleurement.

 

Localisation de la zone d’étude sur la dorsale Sud-Ouest Indienne (SWIR) (a et b). Sur la carte c) la zone en vert représente la portion de croûte océanique présentant une faible rugosité, en lien avec l’exhumation de matériel mantellique. En d), vue en coupe du mécanisme de flip-flop, chaque faille de détachement étant représenté avec une couleur différente. L’axe de la dorsale est au centre, les points B et les surfaces D sont reportées sur la carte a) © Robinson et al. 2024, JGR Solid Earth

 

 

Architecture de la croûte sur la dorsale Sud-Ouest Indienne

Pour étudier l’organisation de ces multiples failles de détachement, une équipe menée par Adam Robinson de l’Université de Southampton a réalisé une analyse sismique 3D d’un segment de la dorsale Sud-Ouest Indienne. Les données sismiques ont été acquises dans le cadre de la campagne SISMOSMOOTH, menée par Sylvie Leroy (ISTeP) et Mathilde Cannat (IPGP). Grâce à ces données, les chercheurs ont pu produire un modèle de vitesse de la croûte océanique dans cette zone et notamment de mettre en évidence les structures associées à l’exhumation du manteau et à la formation de nouvelle croûte océanique.

 

 

Les résultats, publiés dans la revue Journal of Gephysical Research : Solid Earth, ont permis de révéler le lien entre le degré d’altération des péridotites et l’endommagement tectonique lié au fonctionnement des failles et à la circulation des fluides. Ils montrent également que si le matériel magmatique est très limité au toit de la croûte, il est présent en quantité potentiellement plus importante au sein de la croûte elle-même. Cette observation suggère qu’un apport magmatique est bien présent dans ces systèmes tectoniques ultra-lents, même s’il est très réduit par rapport aux dorsales rapides. La mise en place de ce matériel magmatique pourrait d’ailleurs contribuer au blocage de la faille d’exhumation et au développement d’une nouvelle faille de polarité inverse.

 

Brève rédigée par Morgane Gillard

 

Pour en savoir plus : Robinson, A. H., Watremez, L., Leroy, S., Minshull, T. A., Cannat, M., & Corbalán, A. (2024). A 3‐D seismic tomographic study of spreading structures and smooth seafloor generated by detachment faulting —The ultra‐slow spreading Southwest Indian Ridge at 64°30′E. Journal of Geophysical Research: Solid Earth, 129, e2024JB029253

 

08/11/24

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    20/09/18

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