Les mangroves : des puits de carbone particulièrement efficaces
Si l’on sait que les mangroves représentent des écosystèmes capables de stocker d’importantes quantités de carbone dans le sol, une nouvelle étude nous révèle que ce stockage pourrait être efficient sur le très long terme. Ces forêts côtières joueraient donc un rôle dans la régulation du climat. Elles sont pourtant aujourd’hui menacées par la montée rapide du niveau marin.
Les mangroves, un écosystème menacé par la montée rapide des eaux
La hausse de la température des océans, tout comme la fonte des calottes polaires, participent à l’élévation du niveau des océans. De nombreuses régions côtières se voient ainsi menacées de submersion dans les décennies à venir. Cette situation met bien sûr en péril les populations humaines, mais également de nombreux écosystèmes. Par leur implantation côtière, les mangroves pourraient ainsi représenter les premières victimes de la hausse rapide du niveau marin.
Ces forêts jouent pourtant un rôle majeur dans la séquestration du carbone. On estime en effet qu’elles sont capables de stocker environ 180 g de carbone organique par mètre carré et par an. Les conditions particulières du sol de ce milieu, pauvre en oxygène et riche en sulfures, permet de plus de limiter la minéralisation du carbone organique, ce qui facilite sa préservation sur le long terme. Il faut rappeler que la minéralisation du carbone organique permet sa mise à disposition pour les végétaux. C’est donc un processus qui va entrainer le déstockage du carbone. Dans une optique de réduction des taux de CO2 atmosphérique, ce n’est pas nécessairement ce que l’on souhaite. Dans les conditions actuelles, les mangroves sont donc des alliés précieux.
Un puits de carbone efficace sur plusieurs millénaires
Il est cependant compliqué d’estimer avec précision quelle est la quantité de carbone organique stocké dans le sol des mangroves sur le long terme. Cette difficulté est liée à la migration actuelle des mangroves, qui reculent face à la montée des eaux. Pour tenter d’y voir plus clair, une équipe de chercheurs menée par Sarah Louise Robin de l’Université de la Nouvelle-Calédonie et François Baudin de l’ISTeP a analysé le sol d’une ancienne mangrove située sur la côte ouest de la Nouvelle Calédonie. L’intérêt du site est que durant près de 4 000 ans, les conditions eustatiques y sont restées stables. Il y a 2 800 ans, le niveau marin a chuté, faisant migrer la mangrove vers la mer. L’ancien site de la mangrove est ainsi aujourd’hui identifiable par la présence d’un sol particulièrement riche en matière organique.
Grâce à une analyse moléculaire, isotopique et par une méthode nommée Rock-Eval® développée à l’ISTeP, les chercheurs ont pu montrer que la matière organique a été plutôt bien préservée au cours du temps. Les observations mettent en lumière l’importance de conditions anoxiques et la présence de soufre dans le sol pour empêcher la décomposition de la matière organique.
Ces résultats, publiés dans la revue Estuarine, Coastal and Shelf Science, montrent la capacité des mangroves à représenter des zones de stockage de carbone organique efficaces sur un temps long, plurimillénaire.
Brève rédigée par Morgane Gillard
Pour en savoir plus : Sarah Louise Robin, François Baudin, Claude Le Milbeau, Cyril Marchand, Millennial-aged organic matter preservation in anoxic and sulfidic mangrove soils: Insights from isotopic and molecular analyses, Estuarine, Coastal and Shelf Science, Volume 308, 2024, 108936, ISSN 0272-7714, https://doi.org/10.1016/j.ecss.2024.108936.
Mangrove © NOAA, domaine public
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