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ISTeP - UMR 7193
Institut des Sciences de la Terre de Paris

Les stocks de carbone organique dans les sols montagneux seraient facilement déstabilisés par le réchauffement climatique

Les sols jouent un rôle majeur dans le stockage du carbone organique. Particulièrement efficace dans les zones d’altitude, ce mécanisme apparaît cependant fortement dépendant du maintien de températures froides. Le réchauffement climatique pourrait ainsi impacter sévèrement cette capacité de stockage.

 

Les sols d’altitude, grands réservoirs de carbone organique

Nous le savons, les sols jouent un rôle essentiel dans le stockage du carbone organique et donc dans la régulation du climat. Dans le contexte actuel de réchauffement climatique, leur préservation est donc un enjeu majeur.

Il existe cependant quantité de sols différents, à la fois en termes de nature et de composition, mais également de qualité. Les sols appauvris et dégradés, notamment par les activités humaines, ne retiennent ainsi qu’une faible quantité de carbone organique. D’autres, au contraire, sont de formidables réservoirs. C’est le cas notamment des sols présents dans les zones montagneuses sous climat tempéré. Les sols des prairies sauvages des Alpes sont ainsi capables de stocker autant de carbone organique que l’ensemble des forêts européennes. Mais comme toutes les régions du globe, cet environnement est menacé par le changement climatique.

Il faut savoir que l’efficacité du stockage du carbone organique dans ce type de sols est liée principalement aux basses températures, qui limitent l’action des bactéries pour la décomposition de la matière organique. Il en résulte que le carbone organique n’est pas stabilisé par des interactions avec la fraction minérale, mais par le froid. Ce mécanisme permet des temps de résidence du carbone organique de plus de 100 ans. Ce système apparait cependant comme très vulnérable à un réchauffement des températures. Cette modification des conditions environnementales pourrait ainsi déstabiliser les stocks de carbone organique retenus dans les sols des prairies d’altitude, mais les conséquences restent encore floues.

 

Tester l’effet du changement climatique sur la capacité de stockage des sols

Les mécanismes exacts engendrés par un réchauffement climatique sont en effet difficiles à prédire car il faut prendre en compte de multiples effets et leurs interactions. Par exemple, en réponse au réchauffement, la végétation va s’adapter, ce qui pourrait entraîner une modification qualitative des apports en matière organique. De même, l’acclimatation des communautés microbiennes du sol pourrait affecter le processus de décomposition. Mais il faut également prendre en compte l’effet de la diminution de la quantité d’eau disponible sur l’ensemble des processus en jeu.

En regard de cette complexité, une équipe de chercheurs s’est intéressée aux effets des variations de température sur la matière organique présente dans les sols des prairies alpines. Les sites d’étude se trouvent plus précisément dans le massif du Grand Galibier. Deux types d’expériences ont été menées. Des échantillons de sol ont été transplantés de la zone alpine (2450 mètres d’altitude) vers la zone subalpine (1950 mètres d’altitude) et réciproquement, induisant un changement de 3°C en plus ou en moins. Un dispositif ouvert a également été installé dans les prairies échantillonnées pour permettre un réchauffement in situ du sol de 1°C.

 


Le massif du Grand Galibier dans les Alpes, où une série d’expériences a été menée pour tester la vulnérabilité de ces sols d’altitude au réchauffement climatique © MOSSOT, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0

 

 

Un mécanisme de stockage sensible au réchauffement

Les résultats ont été publiés dans la revue Geoderma. Ils montrent qu’à la base, la quantité de carbone organique est plus importante au niveau du site alpin que du site subalpin. Il existe également une différence biogéochimique entre ces deux zones d’altitude. La matière organique du site subalpin apparait ainsi plus riche en oxygène, appauvri en hydrogène et moins sensible aux variations thermiques. À l’issue de l’expérimentation, qui a duré trois ans, l’analyse des échantillons transplantés montre que le réchauffement rapide tend en effet à faire baisser la quantité de carbone organique dans le sol, mais que le stock restant apparaît plus stable face aux variations de température. Par contre, le refroidissement du climat ne semble pas modifier significativement la quantité de carbone organique. Celui-ci devient cependant plus mobile dans ces conditions. Le réchauffement in situ de 1°C ne mène pas à des modifications notables. Pour les auteurs, cela s’expliquerait par la nature plus limitée et moins abrupte du changement climatique induit.

En conclusion, les chercheurs avertissent sur le fait que le stockage du carbone organique dans les zones de montagnes pourrait être particulièrement impacté par une augmentation rapide des températures.

 

Brève rédigée par Morgane Gillard

 

Pour en savoir plus : Khedim Norine, Poulenard Jérôme, Cecillon Lauric, Baudin François, Barré Pierre, Saillard Amélie, Billur Bektaş, Grigulis Karl, Lavorel Sandra, Münkemüller Tamara, Choler Philippe, Soil organic matter changes under experimental pedoclimatic modifications in mountain grasslands of the French Alps, Geoderma, Volume 429, 2023, 116238, ISSN 0016-7061,

https://doi.org/10.1016/j.geoderma.2022.116238.

17/03/23

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