Des grains de pollen pour reconstruire l’histoire des mangroves
Dans les études paléo-environnementales, les pollens représentent de bons marqueurs climatiques et leur présence dans des séries sédimentaires anciennes permet notamment de reconstruire l’évolution de la distribution géographique des plantes en fonction des changements climatiques. Dans un article paru récemment dans Journal of Biogeography, Speranta-Maria Popescu et ses collègues ont utilisés les pollens pour étudier l’évolution de la distribution et de la diversité des mangroves face à trois bouleversements climatiques majeurs. Leurs résultats pourraient notamment aider à comprendre l’évolution actuelle des mangroves en réponse au réchauffement climatique.
Des mangroves jusqu’en Arctique
Avicennia est l’une des espèces d’arbres emblématiques de la végétation des mangroves. Les mangroves, en général, sont particulièrement sensibles aux températures de l’air et de l’eau, mais également à la quantité de pluie. Ainsi, l’espèce Avicennia se développe actuellement dans les zones côtières où l’eau présente des températures de 22,6°C. Ces arbres ne supportent de plus pas des températures de l’air inférieures à -4°C. Des paramètres qui influencent la distribution géographique, le développement et la diversité des mangroves.
La découverte de traces de végétations de mangroves avec seulement l’espèce Avicennia au niveau des côtes méditerranéennes durant le Miocène a permis d’affiner la connaissance de l’histoire de ce type d’environnement. Mais Avicennia a également été retrouvé, de façon surprenante, à des latitudes arctiques, voire proche du Pôle Nord durant l’Éocène inférieur. Mais que s’est-il passé après ?
Pour répondre à cette question, Speranta-Maria Popescu et ses collègues ont collecté des échantillons de sédiments marins renfermant des grains de pollen le long d’un transect latitudinal dans l’hémisphère Nord. La distribution au cours du temps de chaque type de mangrove a ainsi pu être analysée, notamment durant 3 maximas thermiques du Cénozoïque. Les 3 périodes a avoir été étudiées sont : le Maximum Thermique Paléocène-Éocène (56 Ma), l’Optimum Climatique de l’Éocène inférieur (54-49 Ma) et l’Optimum Climatique du Miocène moyen (17-14 Ma).
Une zonation latitudinale des espèces
Ces périodes chaudes ont été choisies car elles ont présenté des conditions climatiques favorables au développement de l’espèce Avicennia, en particulier à de hautes latitudes. Elles fournissent également un point de comparaison à la période actuelle de réchauffement climatique.
Les résultats de l’étude montrent que le développement des mangroves vers des latitudes plus élevées s’est fait par étapes successives et que l’extension de l’espèce Avicennia en latitude était plus importante que celle des autres espèces caractéristiques des mangroves. Les chercheurs ont également récolté des informations sur l’émergence des mangroves actuelles et sur les refuges des mangroves durant les périodes froides, qui leur sont peu propices.
L’étude montre que durant les périodes chaudes du Maximum Thermique Paléocène-Éocène (56 Ma) et de l’Optimum Climatique de l’Éocène inférieur (54-49 Ma), Avicennia était la seule espèce à avoir pu s’étendre jusqu’à des latitudes de 80°N. Entre 65-70°N et 35°N, les espèces constituant les mangroves étaient alors plus diversifiées mais le développement ce type d’environnement est cependant resté plutôt faible dans cette zone, alors qu’en-dessous de 35°N il était bien plus important, avec des mangroves très diversifiées. Durant l’Optimum Climatique du Miocène moyen, la limite latitudinale d’Avicennia était par contre placée à 40°N, mais cette espèce était toujours plus étendu vers le nord que les autres espèces. À noter que cette organisation latitudinale des espèces caractéristiques des mangroves est actuellement moins marquée.
Résumé rédigé par Morgane Gillard
Pour plus de détails :
Mangroves distribution and diversity during three Cenozoic thermal maxima in the Northern Hemisphere (pollen records from the Arctic-North Atlantic-Mediterranean regions), Popescu et al. 2021, Journal of Biogeography
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