Comment l’analyse des minéralisations calcitiques dans les veines et les failles aide à comprendre l’évolution structurale et les circulations de fluides dans les avant-pays des chaînes de montagnes
Dans un article publié dans la revue Geological Magazine, des chercheurs de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et de l’ISTeP passent en revue les diverses techniques d’analyses géochimiques qui peuvent être conduites sur les minéralisations calcitiques que l’on retrouve dans les failles et les fractures, dans le but de reconstruire la nature, l’origine et les conditions de circulations des fluides au moment de leur précipitation au sein des structures tectoniques et de faire le lien avec les processus de déformation.
Déformation tectonique et circulation de fluides
Les failles et fractures peuvent se former à tous les stades d’évolution d’une roche et sous l’influence d’une diversité de processus physiques et chimiques, ce qui en fait des structures-clés pour reconstruire l’histoire géologique d’une région. Dans ce contexte, il est cependant essentiel de bien comprendre les paramètres qui contrôlent la fracturation des roches et l’évolution des fractures, notamment sous l’action de la circulation des fluides.
Les régions qui bordent les chaînes de montagnes, désignées par le terme « chaînes plissées et bassins d’avant-pays », représentent ainsi d’intéressants laboratoires naturels puisqu’elles sont soumises à d’importantes contraintes tectoniques qui vont produire toute une gamme de structures de déformation (failles et plis) à des échelles très variées. Ces structures de déformation vont ainsi participer à la circulation des fluides, l’influençant via la modification de la porosité et de la perméabilité des roches. D’un autre côté, la circulation des fluides va elle-même modifier les caractéristiques physico-chimiques du milieu, par exemple via les processus de dissolution et précipitation.
L’observation des structures de déformation peut donc permettre de reconstruire les systèmes de circulation de fluides passés, notamment en étudiant les minéralisations associées aux réseaux de fractures et aux failles durant leur phase d’activité. Il est ainsi possible de déterminer la nature des fluides à l’origine de ces minéralisations, la température de précipitation et le régime de pression, l’âge de la précipitation du ciment, la quantité d’interactions entre les fluides et la roche et enfin la structure hydraulique de la roche réservoir (c’est-à-dire estimer si le réservoir était ouvert, fermé, compartimenté, etc).
Remonter le temps grâce à l’analyse des minéralisations calcitiques (« ciments »)
Comprendre comment les fluides circulent et ont circulé au sein d’un réservoir peut aider à identifier les potentielles réserves d’hydrocarbures et les gisements de matières premières minérales dans le sous-sol des avant-pays des orogènes, qui sont également aujourd’hui des régions d’intérêt majeur pour le stockage géologique. Reconstruire le schéma de circulation des fluides est aussi important pour l’établissement des risques géologiques auxquels sont soumis ces zones montagneuses.
Exemples de structures à différentes échelles observées dans les strates plissées et circulations de fluides associées. Photographies de veines remplies d’un ciment calcitique (en haut à droite) et de faille minéralisée (en bas à droite) © composition de figures issues de l’article de Beaudoin et al. 2022, Geological Magazine
Une circulation des fluides sous l’influence du style structural
L’étude de plusieurs cas montre qu’au premier ordre, les systèmes de circulation de fluides évoluent tous de façon similaire pour un même stade de déformation. Le système apparaît d’abord fermé tandis que les structures de déformation de petite échelle se développent. Il s’ouvre ensuite, avec une circulation plutôt verticale, lorsque la déformation passe à une échelle supérieure avec le développement des plis et chevauchements. Le schéma de circulation des fluides semble d’ailleurs évoluer étroitement sous l’influence du style structural, de la géométrie des failles principales et de la lithologie des roches sédimentaires.
Cette synthèse permet de mettre en évidence l’apport des analyses géochimiques aux études de géologie structurale.
Brève rédigée par Morgane Gillard
Pour en savoir plus : Beaudoin, N., Lacombe, O., Hoareau, G., & Callot, J. (2022). How the geochemistry of syn-kinematic calcite cement depicts past fluid flow and assists structural interpretations: A review of concepts and applications in orogenic forelands. Geological Magazine,159(11-12), 2157-2190. doi:10.1017/S0016756822001327
Cet article a été publié dans un volume spécial de Geological Magazine intitulé : « Faults and fractures in rocks : mechanics, occurrence, dating, stress history and fluid flow » édité par Olivier Lacombe en collaboration avec d’autres collègues français et italiens.
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Chiffres clés
L'ISTeP comprend 108 membres dont :
- 12 professeurs
- 21 maîtres de conférences
- 2 directeurs de recherche CNRS
- 2 chargés de recherche CNRS
- 7 ATER et post-docs
- 26 doctorants
- 21 ITA-IATSS
- 17 collaborateurs bénévoles / émérites