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ISTeP - UMR 7193
Institut des Sciences de la Terre de Paris

Une limite de plaques tectoniques qui se diffuse lentement

 

Au Pakistan, la limite entre les plaques Eurasie et Inde enregistre globalement un déplacement relatif d’environ 3 cm/an. Or, seule la moitié de ce déplacement est recensé au niveau des failles principales. Ce déficit de glissement a longtemps été une énigme. Une énigme désormais résolue grâce à une nouvelle étude démontrant la nature diffuse de cette limite de plaque et la répartition de la déformation sur de multiples failles.

 

 

Limites de plaques : localisée ou diffuse ?

La tectonique des plaques s’observe par le déplacement des différentes plaques lithosphériques les unes par rapport aux autres. Si ces mouvements ne sont que de quelques centimètres par an, l’accumulation progressive de la déformation au niveau des limites de plaques peut finir par provoquer un séisme, dont la puissance dépendra de la quantité de déformation emmagasinée au fil du temps. Le terrible doublet de tremblements de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie il y a quelques mois est une parfaite illustration de ce processus tectonique et révèle la vulnérabilité des régions situées au niveau des limites de plaques.

Le comportement tectonique n’est cependant pas le même en fonction des limites de plaques. Si sur certaines la déformation se localise sur une seule et unique grande faille, comme la faille nord-anatolienne par exemple, d’autres présentent une déformation distribuée sur de multiples structures qui peuvent s’étaler sur plusieurs centaines de kilomètres de large, donnant l’impression d’une limite plus diffuse. C’est le cas par exemple de la partie sud du système de failles de San Andreas.

 

 

Un déficit de mouvement enregistré au niveau des grandes failles

Cependant, la façon dont se répartissent les contraintes tectoniques au niveau des limites de plaques est encore mal comprise. Souvent, la cartographie du champ de déformation repose sur l’utilisation de stations GNSS (système global de navigation par satellite), qui mesurent les déplacements relatifs du sol. Certaines zones, comme le Pakistan, sont cependant encore très mal équipée, empêchant la collecte de données de ce type. Il s’agit pourtant de régions où le risque sismique est particulièrement élevé, du fait de leur proximité avec la limite de plaque Inde-Eurasie qui se déforme de manière très active.

Ces plaques se déplacent en effet d’environ 3 cm/an suivant un mouvement relatif transpressif, générant un réseau complexe de failles décrochantes et de structures compressives. Sur le siècle dernier, la région a ainsi connu plusieurs séismes de magnitude supérieure à 7. Les études menées précédemment sur les failles principales de la région n’ont cependant recensé que 1,2 à 1,8 cm/an de mouvement relatif, révélant qu’une large part de la déformation se répartit sur d’autres structures encore mal connues.

 


Coupe schématisant les différentes failles décrochantes (en rouge) accommodant le déplacement relatif des plaques Eurasie (à gauche) et Inde (à droite). On observe le développement de failles de plus en plus jeunes vers l’est avec le temps, failles qui accommodent chacune une part de la déformation, formant ainsi une limite de plaque diffuse © Dalaison et al. 2023, Science Advances, cc by-nc 4.0

 

Une déformation distribuée sur plusieurs failles qui se développent au fur et à mesure

Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Science Advances, des scientifiques de l’ENS Paris et de l’ISTeP ont donc cherché à identifier ces structures actives qui jouent un rôle important dans le mouvement de la limite de plaque et l’aléa sismique associé. Ils se sont concentrés sur la région de la chaîne de montagnes de Kirthar, au Pakistan. L’étude se base sur des données d’interférométrie radar par satellite (InSAR), qui révèlent les vitesses de mouvement du sol, permettant ainsi d’identifier les zones présentant les plus forts taux de déformation.

Les résultats révèlent que les plus forts gradients de déformation ne sont ainsi pas localisés sur les failles principales jusqu’alors identifiées, et définissent au contraire une zone de déformation beaucoup plus diffuse. Cette cartographie est en accord avec les séismes enregistrés au cours des dernières décennies et met en lumière plusieurs failles parallèles espacées d’environ 30 km. Cette répartition de la déformation sur plusieurs failles discontinues indique que la limite de plaque est en évolution, avec une migration progressive d’une partie de la déformation sur de nouvelles failles décrochantes se développant à l’est de la précédente au fur et à mesure de l’épaississement du prisme d’accrétion. À partir de la faille de Chaman, qui semble être la plus ancienne, la limite de plaque semble donc s’élargir au cours du temps.

Contrairement aux précédentes études, ce modèle structural permet de rendre compte du budget global de mouvement au niveau de cette limite de plaque et d’expliquer la distribution spatiale de l’aléa sismique de la région.

 

Brève rédigée par Morgane Gillard

 

Pour en savoir plus : Manon Dalaison et al., A snapshot of the long-term evolution of a distributed tectonic plate boundary. Science Advances, 9, eadd7235 (2023). DOI: 10.1126/sciadv.add7235

 

 

 

 

 

11/10/23

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    20/09/18

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