Déterminer la durée de la phase pré-éruptive d’un volcan grâce à l’analyse des roches volcaniques
"Ce que nous révèlent les cristaux d’orthopyroxènes sur le temps disponible avant une éruption"
La gestion du risque volcanique est intimement liée à la détection des signaux précurseurs d’une éruption mais aussi à la connaissance de la dynamique pré-éruptive de chaque volcan actif. Une étude propose une nouvelle approche basée sur l’analyse des cristaux de pyroxènes pour déterminer la durée de la phase de réveil d’un volcan.
L’importance de prévoir l’éruption d’un volcan à partir des signes avant-coureurs
Les éruptions volcaniques font partie des manifestations géologiques qui présentent un danger important pour nos sociétés. Environ 15% de la population mondiale vit en effet à proximité immédiate d’un volcan qui a été actif au moins une fois durant les 10 000 dernières années. Même si beaucoup sont aujourd’hui paisibles, ces volcans ne sont toutefois pas considérés comme éteints et un réveil est envisageable à plus ou moins long terme. Avec une présence humaine particulièrement importante (700 000 personnes habitant sur ses flancs), le Vésuve est par exemple l’un des volcans endormis le plus surveillé, notamment à cause de son potentiel dévastateur.
L’objectif de la surveillance d’un volcan est donc de détecter les premiers signaux qui laisseraient penser qu’une éruption se prépare. L’augmentation anormale du nombre de tremblements de terre sous le volcan est ainsi considérée comme un marqueur fiable indiquant son réveil. Mais le lien entre cette activité sismique et les processus magmatiques se jouant en profondeur est cependant encore mal connu. Comprendre ce lien permettrait de mieux estimer le temps restant avant l’éruption proprement dite. Une donnée cruciale dans la gestion du risque volcanique, en particulier pour des volcans qui n’ont pas d’éruptions monitorées, comme aux Antilles françaises.
Déterminer le lien entre crise sismique et processus magmatiques
Pour mieux comprendre les mécanismes mis en jeu durant cette phase pré-éruptive, une équipe de chercheurs impliquant Hélène Balcone-Boissard de l’ISTeP s’est penchée sur la caractérisation de la crise sismique enregistrée avant la dernière éruption du volcan Kizimen (Kamchatka, Russie) qui a eu lieu entre 2010 et 2013. L’analyse minéralogique d’échantillons de roches magmatiques collectées après l’éruption a ainsi permis de corréler l’évolution des processus se jouant au sein du réservoir magmatique et les manifestations sismiques.
La cristallisation des minéraux à partir du liquide magmatique présent dans le réservoir est en effet dépendante des conditions de pression et température, mais également de l’évolution de la composition du liquide au cours du temps. L’évolution des paramètres du milieu se reflète dans la composition de certains cristaux, comme les pyroxènes. L’hétérogénéité de composition qui en résulte s’efface avec le temps par diffusion intracristalline. Ces cristaux peuvent donc être utilisés comme des marqueurs temporelsl des processus magmatiques se jouant durant la phase pré-éruptive.
Le volcan Kizimen au Kamchatka (Russie) lors de son éruption en 2010 © Donpage, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0
Prévoir la durée de la phase pré-éruptive pour des volcans sans éruption monitorée
Les résultats, publiés dans Nature Communications earth and environment révèlent que le début de la crise sismique correspond à l’initiation du mélange de deux types de magmas de composition différente au sein du réservoir superficiel. On parle d’assemblage du magma. Cette étape aurait eu lieu de manière vigoureuse environ 1,5 ans avant l’éruption. L’activité sismique associée signerait ainsi la déstabilisation significative du réservoir, en lien avec le processus de mélange des magmas. Le mélange se poursuivrait ensuite jusqu’à ce que le magma atteigne l’état dit « éruptible ». L’éruption a alors lieu.
L’application de cette méthode basée sur l’analyse pétrologique pourrait s’avérer particulièrement intéressante pour prévoir la durée de la phase pré-éruptive sur des volcans dont nous ne connaissons pas le comportement, dans le cas par exemple d’une dernière éruption trop ancienne pour avoir été monitorée. Une donnée majeure pour mettre en place une stratégie efficace de gestion du risque volcanique.
Brève rédigée par Morgane Gillard
Pour en Savoir plus : Ostorero, L., Balcone-Boissard, H., Boudon, G. et al. Correlated petrology and seismicity indicate rapid magma accumulation prior to eruption of Kizimen volcano, Kamchatka. Commun Earth Environ3, 290 (2022). https://doi.org/10.1038/s43247-022-00622-3
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