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ISTeP - UMR 7193
Institut des Sciences de la Terre de Paris

Lire la mécanique des failles dans… un bac à sable !

 

Étudier le fonctionnement des failles est essentiel pour mieux évaluer le risque sismique d’une région. À l’aide de modèles analogiques, des chercheurs se sont intéressés au développement des failles décrochantes, et en particulier à l’évolution de la zone de déformation distribuée qui les borde.

 

Faille et zone de faille

Lors d’un grand séisme décrochant, le déplacement engendré à la surface se distribue via une déformation sur le plan de faille, mais également en dehors de la faille. On parle de déformation on- et off-fault.

Cette déformation off-fault prend la forme de fractures secondaires et de déformation diverse de part et d’autre du plan de faille, une zone qui s’étend parfois sur plusieurs centaines de mètres. Or, pour évaluer correctement le risque sismique lié à une faille, il est essentiel de connaître la proportion de ces différents types de déformations.

Les études de terrain révèlent la variabilité des caractéristiques de cette zone de déformation distribuée. Elle peut en effet être quasi-inexistante lorsque la faille accommode la totalité du mouvement, ou au contraire très étendue. Cette variabilité semble liée, au premier ordre du moins, à la géométrie de la faille principale. Cependant, ces observations de terrain sont relativement parcellaires et ne permettent pas d’avoir une vision globale de cette zone de déformation et donc d’en comprendre correctement les mécanismes.

 

Des modèles analogiques pour simuler le développement d’une zone de faille

La construction de modèles analogiques s’avère par contre être une approche intéressante pour étudier l’origine, la distribution et l’évolution de la zone de déformation. La modélisation analogique consiste à réaliser, en laboratoire, un système physique reproduisant (à une échelle réduite, bien entendu) le phénomène naturel que l’on souhaite observer. L’intérêt du modèle analogique est que l’on en maîtrise les paramètres, que l’on peut faire varier, et que le développement du phénomène peut être observé du début à la fin. Le comportement du modèle permet donc d’émettre des hypothèses sur les mécanismes réels associés au phénomène étudié.

Sarah Visage, du Laboratoire Géosciences et Environnement de Cergy Paris Université, a donc construit un système expérimental visant à reproduire le développement d’une faille décrochante. Elle a pour cela utilisé un bac composé de deux parties mobiles l’une par rapport à l’autre, rempli de sable. Au premier ordre, le sable possède en effet un comportement analogue à celui de la croûte cassante. Plusieurs caméras positionnées au-dessus du bac permettent d’analyser les déformations en 3D de la surface du sable au fur et à mesure du déplacement du bac, capturant ainsi les étapes de développement d’une zone de faille décrochante.

 


Comparaison de la déformation observable au niveau d’une faille naturelle (à gauche) et produite dans la boîte à sable (à droite). On note la similarité des structures bien que l’échelle ne soit pas du tout la même © Visage et al. 2023, Tectonophysics

 

Une faille à la géométrie complexe

Les résultats, publiés dans la revue Tectonophysics, montrent les quatre grandes étapes du développement d’une faille décrochante et de sa zone de déformation distribuée. La première étape est marquée par le développement d’une zone de déformation diffuse de part et d’autre du plan de cisaillement. La déformation se localise ensuite sur ce que l’on appelle des fractures de Riedel, qui se développent obliquement par rapport à la direction du cisaillement et alternent avec des zones de « relais ». Le stade suivant est marqué par le développement de nouvelles fractures présentant un angle plus aplati que les fractures de Riedel. Enfin, ces fractures dites synthétiques finissent par se rejoindre pour former une zone de faille non linéaire et présentant une certaine complexité géométrique.

Ces quatre étapes étant déjà bien caractérisées, Sarah Visage et ses collègues se sont penchés plus spécifiquement sur la zone de déformation distribuée et sur son évolution au cours du temps.

À l’initiation de la faille, il apparait que la déformation distribuée accommode entièrement le mouvement des deux blocs, puis chute à 20 à 30% lorsque les fractures de Riedel apparaissent, et finit par se stabiliser autour de 20%.

Il apparait que la déformation distribuée se concentre principalement au niveau des zones de relais qui existent entre les segments de faille. Ces zones de relais apparaissent d’ailleurs très tôt dans l’histoire de la zone de faille et sont notamment contrôlées par la localisation des Riedels. L’abandon et la réactivation de ces zones de relais engendrent le maintien d’une certaine quantité de déformation distribuée tout au long de la vie d’une faille décrochante.

Par ailleurs, la largeur de la zone de déformation distribuée diminue conjointement à la largeur des zones de relais, au cours de la maturation de la faille principale. Les proportions de déformation distribuée par rapport à la déformation localisée sont identiques aux quelques points de mesures obtenues suite à de grands séismes décrochants sur sept failles naturelles présentant des déplacements cumulés différents. D’après ce travail, il semblerait donc que la géométrie de la faille finale ne puisse jamais devenir linéaire et continue, en surface tout du moins.

 

Brève rédigée par Morgane Gillard

 

Pour en savoir plus : Sarah Visage, Pauline Souloumiac, Nadaya Cubas, Bertrand Maillot, Solene Antoine, Arthur Delorme, Yann Klinger, Evolution of the off-fault deformation of strike-slip faults in a sand-box experiment, Tectonophysics, Volume 847, 2023, 229704, ISSN 0040-1951, https://doi.org/10.1016/j.tecto.2023.229704

 

 

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17/03/23

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