Cette montagne de Californie est un ancien volcan sous-marin entré en subduction il y a 116 millions d’années !
Le paysage du nord de la Californie nous raconte une histoire bien plus ancienne que celle de la faille de San Andreas. Les marqueurs témoignant de la subduction passée de la plaque Farallon sont en effet nombreux. Parmi eux, le complexe volcanique de Snow Mountain a été formellement identifié dans une nouvelle étude comme un ancien volcan sous-marin qui serait entré en subduction il y a 118 millions d’années.
Les traces d’une ancienne zone de subduction
Si aujourd’hui le nord de la Californie est marqué par la présence de la célèbre, et tant redoutée, faille de San Andreas, la géologie de la région révèle une histoire bien plus complexe. Elle garde en effet tous les témoins typiques de la marge chevauchante d’une ancienne zone de subduction aujourd’hui disparue.
Dans le paysage on retrouve ainsi les restes d’un ancien arc magmatique et d’un bassin sédimentaire d’avant-arc, mais également les résidus d’un prisme d’accrétion.
Ces structures géologiques témoignent de la subduction passée de la plaque océanique de Farallon sous la côte ouest américaine. De 210 millions d’années à 30 millions d’années environ, cette région de Californie est donc bordée par une fosse de subduction, à l’image de ce que l’on observe actuellement plus au nord avec la zone de subduction des Cascades. Il y a 30 millions d’années, la dorsale séparant la plaque Farallon de la plaque Pacifique entre elle-même en subduction, menant à la formation d’une jonction triple de plaques tectoniques et au développement de la faille de San Andreas.
Paysage de la côte californienne avec le Snow Mountain Volcanic Complex, qui représente un ancien volcan sous-marin qui serait entré en subduction il y a 118 millions d’années © Bonnet et al. 2024, Tectonics
Les restes d’un ancien volcan sous-marin entré en subduction
La région est donc un endroit idéal pour étudier la structure d’une marge active fossile, et notamment le rôle que peuvent jouer les volcans sous-marins dans ce contexte tectonique. Car dans ce paysage, on retrouve également les restes d’un ancien édifice volcanique qui aurait été entrainé en subduction. Il s’agit du complexe volcanique de Snow Mountain.
Cette structure volcanique de plusieurs kilomètres de diamètre forme aujourd’hui un petit sommet régulièrement enneigé des chaînes côtières californiennes. De précédentes études ont cependant montré qu’il s’agissait d’un ancien complexe volcanique de point chaud mis en place sur le fond océanique de la plaque Farallon. Ces monts volcaniques sont légion au fond des océans et nombreux sont ceux à être entraîné dans les zones de subduction, en même temps que la croûte qui les porte.
Des volcans qui impactent la sismicité et la dynamique de la zone de subduction
L’entrée en subduction d’un volcan sous-marin n’est d’ailleurs pas anodine. Ces édifices qui représentent d’importants reliefs sur la plaque plongeante auraient en effet un impact important sur la sismicité du plan de faille. Plusieurs exemples, notamment au Japon, montrent que ces aspérités peuvent générer le blocage d’un segment du plan de subduction, augmentant ainsi le risque de voir se produire un important séisme. D’autres exemples témoignent d’un effet inverse, avec un glissement facilité associé à une intense fracturation de la plaque supérieure. Enfin, dans certains cas ils pourraient également avoir un impact sur la propagation de la rupture sismique, en agissant comme une barrière, limitant ainsi la magnitude potentielle d’un séisme.
Les volcans sous-marins jouent donc un rôle majeur sur la dynamique d’une zone de subduction. Leur étude dans l’actuel est cependant extrêmement compliquée et requiert d’importants moyens sismologiques et géophysiques. D’où l’intérêt d’étudier les volcans sous-marins subduits fossiles, comme le complexe volcanique de Snow Mountain, qui sont désormais directement accessibles. Il faut noter qu’il existe dans le monde peu de structures exhumées du même genre.
Contexte tectonique actuel et localisation de la zone d’étude (encart à droite). Le Snow Mountain Volcanic Complex est identifié par le rectangle © Bonnet et al. 2024, Tectonics
Un volcan décapité qui aurait atteint une profondeur de 20 km
Guillaume Bonnet, anciennement à l’ISTeP, et ses collègues, se sont ainsi attelés à reconstruire la genèse et l’évolution de ce volcan via des analyses pétro-structurale, géochimiques et géochronologiques. Les résultats ont été publiés dans la revue Tectonics. Ils confirment que le complexe volcanique aurait été érupté il y a 166 millions d’années environ au niveau d’un point chaud affectant la plaque Farallon, et que l’édifice aurait entamé son entrée dans la zone de subduction il y a 118 millions d’années. Tiré par la plaque plongeante, il aurait progressivement atteint une profondeur de 20 km. Au cours de sa descente sous la plaque nord-américaine, le volcan aurait ensuite subi une intense déformation. En plus du métamorphisme, il aurait ainsi été partiellement décapité via le développement de grandes failles internes. Les auteurs suggèrent également que cet ancien volcan sous-marin ne serait pas le seul à avoir été exhumé dans la région. Plusieurs autres structures pourraient être associées à ce type d’édifice, leur identification étant rendue plus difficile à cause d’une déformation plus intense que celle de Snow Mountain. Ce pourrait ainsi être toute une chaîne de volcans qui serait entrée en subduction au fil du temps.
Brève rédigée par Morgane Gillard
Pour en savoir plus : Bonnet, G., Apen, F. E., Soret, M., Noël, J., Caron, B., Ninkabou, D., et al. (2024). Seamount subduction dynamics and long-term evolution of the Franciscan active margin. Tectonics, 43, e2023TC008084. https://doi.org/10.1029/2023TC008084
Egalement dans la rubrique
- Brève n°2 - Des grains de pollen pour reconstruire l’histoire des mangroves
- Brève n° 6 - Dater les plissements tectoniques à l’aide des veines et des failles qui affectent les couches
- Brève n°33 - De la matière organique continentale enfouie au fond des océans !
- Brève n°34 - Les vers de terre ont un rôle essentiel dans la minéralisation du carbone organique
- Breve n°35-Le volcanisme de Mayotte ne serait pas lié à un point chaud
- Brève n°36 - Première image interne du nouveau volcan sous-marin, Fani Maoré, au large de Mayotte
- Brève n°37 - Volcanisme et tectonique découverts le long de l’archipel des Comores entre l’Afrique et Madagascar : Une limite de plaque en développement.
- Brève-n°38 - Au cœur de la structure des plagioclases : révision du formalisme thermodynamique permettant de modéliser le comportement de ces minéraux
- Brève n°39 - Des grains de pollen pour comprendre l’adaptation des arbres durant les dernières glaciations
- Brève n°40 - Déterminer la durée de la phase pré-éruptive d’un volcan grâce à l’analyse des roches volcaniques
- Brève N°23-01 - Expliquer la morphologie et le relief de la côte iranienne du Makran
- Brève_n°23-02
- Brève_n°23-03
- Brève_n°23-04
- Brève_n°23-05
- Brève_n°23-06
- Brève_n°23-07
- Brève_n°23-09
- Brève_n°23-10
- Brève_n°23-11
- Brève_n°23-13
- Brève_n°23-14
- Brève_n°23-15
- Brève_n°23-16
- Brève_n°23-17
- Brève_n°23-18
- Brève_n°23-19
- Brève_n°23-21
- Brève_n°23-22
- Brève_n°23-23
- Brève n°23-24
- Brève-n°23-25
- Brève_n°23-26
- Brève_n°23-29
- Brève_n°23-30
- Brève_n°23-31
- Brève_n°23-32 - Plongée dans l’histoire tectonique fascinante des Caraïbes
- Brève_n°23-34
- Brève_n°23-35
- Brève_n°23-36 - Autopsie d’une dorsale ultra-lente : les processus d’exhumation disséqués
Chiffres clés
L'ISTeP comprend 108 membres dont :
- 12 professeurs
- 21 maîtres de conférences
- 2 directeurs de recherche CNRS
- 2 chargés de recherche CNRS
- 7 ATER et post-docs
- 26 doctorants
- 21 ITA-IATSS
- 17 collaborateurs bénévoles / émérites