Crues exceptionnelles dans la vallée de la Roya en 2020 : prendre le temps d’analyser avant de reconstruire

En octobre 2020, la tempête Alex a entrainé une crue sans précédent dans la vallée de la Roya, causant de très importants dégâts. Une équipe de chercheurs revient sur cet événement catastrophique, ses causes et ses conséquences pour le futur réaménagement de ce territoire.

Un événement climatique extrême sans antécédent sur les derniers siècles

En 2020, dans la nuit du 2 au 3 octobre, la vallée de la Roya (Alpes Maritime) subit de très importants dégâts suite au passage de la tempête Alex. Crue exceptionnelle, inondations, glissements de terrain… Cet événement, classé rapidement en catastrophe naturelle, fera une dizaine de morts ainsi que des dégâts considérables. Une situation dramatique qui a poussé une équipe de chercheurs à étudier la catastrophe afin d’en tirer toutes les conséquences. 

Lors de la nuit du 2 au 3 octobre 2020, une crue exceptionnelle de la Roya a entrainé de très importantes destructions sur l’ensemble de la vallée © Fouache et al. 2023, Flux

Les auteurs de l’étude publiée dans la revue Flux soulignent tout d’abord la nature exceptionnelle du phénomène climatique qui s’est abattu sur la vallée de la Roya le 2 octobre 2020. Les taux de précipitations enregistrés cette nuit-là battent en effet des records, avec par exemple 663 mm de pluie en 24h au niveau du lac de Mesches. C’est simplement plus du double des maximales enregistrées sur les derniers siècles.

Ponts, routes et réseaux de communications détruits par une crue d’une violence inédite

Ces précipitations massives ont bien sûr entrainé une montée inédite des cours d’eau et de nombreux mouvements de terrain sur les pentes du bassin versants. En conséquence, la Roya est sorti de son lit mineur et majeur, produisant une crue exceptionnelle charriant d’importantes quantités de sédiments. Sous la violence du courant, 21 ponts au total ont été détruits cette nuit-là. Routes, chemins de fer, réseaux électrique, d’eau potable et de communication ont également subit de très importants dégâts. La destruction de l’ensemble de ces infrastructures critiques a de suite isolé les habitants de cette vallée particulièrement escarpée.

Une baisse de la vigilance sur l’aménagement du territoire

Bien qu’il s’agisse là d’un événement tout à fait exceptionnel, l’ampleur des dégâts aurait-il pu être limité si l’aménagement de ce territoire avait été pensé différemment ? Pour les auteurs de l’étude, c’est une certitude. De nombreuses infrastructures détruites lors de la crue de la Roya se trouvaient en effet dans le lit d’inondation majeure du fleuve. Alors que les habitations antérieures au 19^ème siècle étaient toutes situées sur les hauteurs, le fait que personne, de mémoire d’homme, ne se souvienne d’un événement si extrême a entrainé une baisse de vigilance et un étalement des nouvelles constructions sur les anciens dépôts de crue holocènes. Une erreur à ne pas reproduire. Certes, il y a peu de chances qu’un nouvel événement de ce type se produise dans les prochaines années, même si le réchauffement actuel tend à augmenter la fréquence de ces épisodes de tempête. Mais les chercheurs soulignent le fait qu’il est essentiel de prendre en compte l’évolution géomorphologique subie par la vallée lors de cette crue. Le lit de la rivière a en effet été fortement modifié, une situation qui nécessite d’établir un nouveau zonage des risques et à comprendre l’impact de cette nouvelle géométrie du lit de la Roya sur le potentielle d’inondation de la vallée. Les auteurs indiquent qu’elle pourrait d’ailleurs y être plus propice. 

 
À gauche, la ville de Tende en 1922 : le lit majeur de la Roya ne contient pas d’habitation, alors qu’en 2020 (à droite), il est largement urbanisé © © Fouache et al. 2023, Flux

Une reconstruction trop rapide en regard du temps nécessaire pour effectuer une analyse complète ?

Fort heureusement, les nouveaux plans d’aménagement de la vallée semblent prendre en compte les enseignements de cette catastrophe, avec notamment une interdiction de construire dans le lit majeur de la Roya et la destruction des bâtiments encore présents, une adaptation des nouveaux ponts et des nouvelles routes pour répondre au risque de crue exceptionnelle. Les chercheurs regrettent cependant que le temps de la reconstruction, en lien avec la nécessité de désenclaver rapidement la vallée de la Roya, ne soit trop rapide par rapport aux analyses pluridisciplinaires qui devraient être conduites pour comprendre dans sa globalité cet événement et trouver les meilleures solutions pour réaménager au mieux la vallée.

Brève rédigée par Morgane Gillard

Pour en savoir plus : Fouache, Eric, et al. « Conséquences de la crue extrême du 2 octobre 2020 dans la vallée de la Roya (Alpes Maritimes) sur les réseaux de transport et de communication : leçons pour la reconstruction », Flux, vol. 132, no. 2, 2023, pp. 98-114.