Plongée dans l’histoire tectonique fascinante des Caraïbes
En contemplant les paysages paradisiaques des Caraïbes, on ne se doute pas que ces îles aux eaux turquoise sont le résultat d’une histoire géologique si compliquée, gouvernée par les interactions entre plusieurs plaques tectoniques. Grâce à l’interprétation de données sismiques, des chercheurs de l’ISTeP révèlent cependant les détails de ce scénario, notamment en ce qui concerne l’origine des Bahamas.
Coincé entre les deux géantes Amérique du Nord et Amérique du Sud, la petite plaque des Caraïbes n’a cependant rien à envier à ces voisines en termes d’histoire tectonique. Composée notamment des archipels des Grandes et des Petites Antilles, cette plaque tectonique révèle en effet une structure et une nature complexes, témoins de son passé mouvementé au cours duquel se sont affrontés plusieurs grands processus tectoniques.
Un contexte tectonique complexe
Contexte tectonique actuel des Caraïbes © Oliveira de Sá et al. 2024, G3
Alors que l’interface avec la plaque Nord-Américaine est définie par de grandes failles transformantes, la limite orientale est marquée par la présence de la zone de subduction des Petites Antilles, qui voit la croûte océanique de la plaque Sud-Américaine s’enfoncer sous la plaque Caraïbe. Cette zone de subduction est d’ailleurs à l’origine de l’arc volcanique qui forme cet archipel composé de nombreuses petites îles (dont la Martinique et la Guadeloupe). L’archipel des Grandes Antilles, dont une bonne partie est en réalité situé sur la plaque Nord-Américaine, est également hérité d’un ancien arc volcanique. Ces îles, dont fait partie Cuba, résultent cependant d’une histoire plus complexe, impliquant un soulèvement tectonique (orogenèse cubaine) en lien avec la collision entre cet arc volcanique et la marge sud de la plaque Nord-Américaine.
La bordure sud de la plaque Caraïbe est quant à elle marquée par une alternance complexe de systèmes transformants avec une petite zone de subduction. Enfin, la limite occidentale est représentée par la zone de subduction impliquant les plaques Cocos et Pacifique.
L’architecture et la nature de la plaque Caraïbe s’avère donc être le résultat d’une complexe histoire tectonique et volcanique, qui débute avec la fragmentation du supercontinent Pangée, à la fin du Trias.
Reconstitution du scénario tectonique ayant donné naissance à Cuba et aux Bahamas
Modèle d’évolution géodynamique proposé pour la région à l’est de Cuba et le banc des Bahamas © Oliveira de Sá et al. 2024, G3
Une équipe de chercheurs menée par Alana Oliveira de Sá, de l’ISTeP, s’est cependant attelée à décortiquer cette histoire tectonique, notamment pour la région située à l’est de Cuba, où l’on trouve le fameux banc des Bahamas. Grâce à l’analyse de données sismiques acquises lors de la campagne océanographique HAITI-SIS 1-2 en 2012 et 2013, les scientifiques ont pu identifier, caractériser et en particulier dater les principaux événements géodynamiques qui ont participé à l’évolution de la plaque Caraïbe : extension (rifting), convergence (subduction), jeu des zones de fractures, phase de soulèvement orogénique (collision) et processus d’obduction (charriage d’une portion de la croûte océanique sur les unités continentales).
La déformation affectant le socle et les unités sédimentaires a notamment permis de reconstruire le scénario de la formation du plateau calcaire à l’origine des îles des Bahamas. Les résultats, publiés dans la revue Geochemistry, Geophysics, Geosystems, révèlent que la construction du banc des Bahamas a été initiée avec la formation de récifs au sommet de blocs formés dans la croûte continentale. Ces blocs faillés sont hérités de la phase d’extension qui a accompagné l’ouverture de la Pangée durant le Jurassique.
Brève rédigée par Morgane Gillard
Pour en savoir plus : Oliveira de Sá, A., Leroy, S., d’Acremont, E., Lafuerza, S., Granja‐Bruña, J.‐L., Moreno, B., et al. (2024). The protracted evolution of a plate boundary: Eastern Cuba block and Old Bahamas Channel. Geochemistry, Geophysics, Geosystems, 25, e2023GC011230. https://doi.org/10.1029/2023GC011230
Image de couverture : Image satellite du banc des Bahamas © Copernicus Sentinel data, Wikimedia Commons
Egalement dans la rubrique
- Brève n°2 - Des grains de pollen pour reconstruire l’histoire des mangroves
- Brève n° 6 - Dater les plissements tectoniques à l’aide des veines et des failles qui affectent les couches
- Brève n°33 - De la matière organique continentale enfouie au fond des océans !
- Brève n°34 - Les vers de terre ont un rôle essentiel dans la minéralisation du carbone organique
- Breve n°35-Le volcanisme de Mayotte ne serait pas lié à un point chaud
- Brève n°36 - Première image interne du nouveau volcan sous-marin, Fani Maoré, au large de Mayotte
- Brève n°37 - Volcanisme et tectonique découverts le long de l’archipel des Comores entre l’Afrique et Madagascar : Une limite de plaque en développement.
- Brève-n°38 - Au cœur de la structure des plagioclases : révision du formalisme thermodynamique permettant de modéliser le comportement de ces minéraux
- Brève n°39 - Des grains de pollen pour comprendre l’adaptation des arbres durant les dernières glaciations
- Brève n°40 - Déterminer la durée de la phase pré-éruptive d’un volcan grâce à l’analyse des roches volcaniques
- Brève N°23-01 - Expliquer la morphologie et le relief de la côte iranienne du Makran
- Brève_n°23-02
- Brève_n°23-03
- Brève_n°23-04
- Brève_n°23-05
- Brève_n°23-06
- Brève_n°23-07
- Brève_n°23-09
- Brève_n°23-10
- Brève_n°23-11
- Brève_n°23-13
- Brève_n°23-14
- Brève_n°23-15
- Brève_n°23-16
- Brève_n°23-17
- Brève_n°23-18
- Brève_n°23-19
- Brève_n°23-21
- Brève_n°23-22
- Brève_n°23-23
- Brève n°23-24
- Brève-n°23-25
- Brève_n°23-26
- Brève_n°23-28
- Brève_n°23-29
- Brève_n°23-30
- Brève_n°23-31
- Brève_n°23-34
- Brève_n°23-35
- Brève_n°23-36 - Autopsie d’une dorsale ultra-lente : les processus d’exhumation disséqués
Chiffres clés
L'ISTeP comprend 108 membres dont :
- 12 professeurs
- 21 maîtres de conférences
- 2 directeurs de recherche CNRS
- 2 chargés de recherche CNRS
- 7 ATER et post-docs
- 26 doctorants
- 21 ITA-IATSS
- 17 collaborateurs bénévoles / émérites