Explorer la structure d’une croûte océanique peu magmatique grâce à l’interférométrie sismique
Une étude se basant sur l’interférométrie sismique par corrélation du bruit ambiant a permis d’obtenir un nouveau modèle de vitesses pour la croûte océanique et le manteau supérieur au niveau d’un segment très peu magmatique de la dorsale Sud-Ouest Indienne.
Comprendre l’architecture de la croûte océanique produite par les dorsales ultra-lentes
La connaissance en profondeur de l’architecture de la croûte océanique est cruciale pour comprendre les processus qui mènent à sa formation, en particulier au niveau des dorsales ultra-lentes. En effet, ces centres d’accrétion sont associés à des budgets magmatiques relativement faibles en comparaison des dorsales rapides, et sont le théâtre d’interactions complexes entre processus magmatiques et tectoniques. La vallée axiale de ce type de dorsale est en effet souvent caractérisée par la présence de péridotites serpentinisées résultant d’un processus d’exhumation mantellique le long de grandes failles de détachement. Ces failles mènent à la formation de core complexes océaniques (OCC) qui sont souvent identifiés par des structures en dômes portant des corrugations parallèles à la direction d’accrétion. Cette architecture particulière s’observe dans les segments présentant néanmoins un budget magmatique minimum. Dans les zones amagmatiques de la dorsale, ces corrugations sont par contre absente de la surface des OCC. On parle alors de « smooth seafloor », des zones caractérisées par un toit du socle océanique relativement lisse. Dans ce cas, les OCC sont alors très majoritairement composés de péridotites serpentinisées (90%), et d’une part minoritaire de gabbros. Or, la connaissance précise de ce type de croûte est souvent limitée à la proche surface et de nombreux paramètres restent à contraindre, comme l’extension en profondeur de la zone serpentinisée et la façon dont se distribuent les différents types de roches (gabbros et péridotite). Il y a également encore peu d’information concernant la terminaison et l’architecture de la faille en profondeur. Imager la structure crustale de ce type d’environnement est donc nécessaire pour comprendre la dynamique de ces systèmes et l’évolution des processus tectoniques et magmatiques.
Tester la validité de l’interférométrie sismique passive dans ce contexte particulier
Dans un article paru dans la revue Remote Sensing, Mohamadhasan Mohamadian Sarvandani et ses collègues se sont donc intéressés à la structure du socle océanique d’un segment amagmatique de la dorsale Sud-Ouest Indienne (SWIR), bien connue pour ses vitesses d’accrétion ultra-lentes (environ 14 mm/an). Pour cela, ils se sont appuyés sur une méthode généralement peu utilisée dans l’exploration océanique : l’interférométrie sismique par corrélation du bruit ambiant. Cette méthode géophysique d’imagerie du sous-sol, contrairement à la sismique réfraction ou réflexion, n’utilise pas de source sismique artificielle. Elle se base sur le bruit de fond de la Terre, qui représente un signal sismique diffus et continu généré par la l’action de la houle sur le plancher océanique ou, à terre, par le forçage atmosphérique. Il s’agit d’une activité microsismique, qui peut être néanmoins détectée par les instruments de mesure. Ce bruit sismique ambiant est dominé par des ondes sismiques de surface. L’avantage de cette méthode est qu’elle apporte des informations complémentaires à celles des autres méthodes géophysiques généralement utilisées.
Cependant, l’interférométrie sismique passive est le plus souvent utilisée pour imager la croûte et le manteau supérieur en domaine continentale, et non en domaine océanique. Le but de cette étude est donc également de tester la pertinence de cette méthode dans ce contexte particulier.
Obtention d’un nouveau modèle de vitesse
Les mesures ont été réalisées dans le cadre de la campagne SISMOSMOOTH (2014) grâce à 43 OBS (ocean bottom seismometers), des instruments de mesures posés sur le fond océanique. Après traitement et analyse, les résultats ont permis d’investiguer la subsurface jusqu’à une profondeur de 15 km environ en produisant un modèle de vitesse du socle et du manteau supérieur.
Les résultats suggèrent que l’épaisseur de la croûte dans cette zone serait de 7,2 km, ce qui est largement supérieur aux précédentes estimations (4,2-5 km) pour le même segment. Le rapport des vitesses des ondes P et S, particulièrement sensible à la présence de fluides, montre que la partie supérieure de la croûte (de 1 à 1,5 km de profondeur) serait caractérisée par une forte porosité et par une importante quantité de péridotite serpentinisée. En dessous, la croûte serait majoritairement composée de gabbros. Le modèle de vitesse suggère également la présence d’un manteau non serpentinisé et non fracturé à partir de 7 km de profondeur.
Par ces résultats, l’étude montre la validité de la méthode pour étudier la structure de la croûte et du manteau supérieur dans ce genre de contexte.
Résumé rédigé par Morgane Gillard.
Pour en savoir plus : Mohamadian Sarvandani et al., Seismic Ambiant Noise Imaging of a Quasi-Amagmatic Ultra-slow Spreading Ridge, Remote Sens. 2021, 13, 2811
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