De nouvelles datations qui revisitent le scénario de la formation des Cordillères Bétiques en Espagne
Grâce à de nouvelles datations réalisée sur des roches métamorphiques, des chercheurs viennent de revisiter le scénario ayant mené à la formation des Cordillères Bétiques dans le sud de l’Espagne.
Les zones de subduction à l’origine de nombreuses chaînes de montagnes
Le processus de subduction est l’un des éléments essentiels de la tectonique des plaques. À l’image d’un gigantesque tapis roulant, les plaques océaniques sont progressivement englouties dans le manteau, où elles sont recyclées. Ce mécanisme se déroule au niveau des zones de subduction, où une plaque (généralement océanique) s’enfonce à une vitesse de quelques millimètres à quelques centimètres par an sous une autre plaque (océanique ou continentale). Les zones de subduction sont ainsi le résultat d’une dynamique de convergence entre deux plaques tectoniques. On en retrouve actuellement sur tout le pourtour de l’océan Pacifique, où elles ont donné notamment naissance aux nombreux volcans de la Ceinture de Feu du Pacifique. Mais il en existe également en Méditerranée. La formation des Alpes, notamment, est le résultat de la fermeture d’un océan par un processus de subduction, qui s’est soldé par la collision de deux masses continentales.
Les Cordillères Bétiques, dans le sud de l’Espagne, ainsi que le Rif au nord du Maroc sont également associés à une zone de subduction, résultant de la convergence des plaques africaine et ibérique. Il y a environ 60 millions d’années, une subduction entrainait la fermeture de l’océan Neo-Tethys puis la collision de plusieurs blocs continentaux pris en sandwich entre l’Afrique et l’Ibérie. Durant l’Oligocène (vers 35 millions d’années), cette dynamique compressive s’est modifiée par l’initiation d’un retrait de la plaque plongeante (le slab). L’accentuation de l’inclinaison du slab a ainsi entrainé la formation de bassins d’arrière-arc, des domaines en extension.
Étudier les roches métamorphiques pour retracer l’évolution de la chaîne de montagnes
Si les grandes lignes sont tracées, l’évolution détaillée de ces montagnes est encore mal contrainte. Or, pour comprendre cette évolution, il est essentiel de prendre en compte les interactions complexes qui ont lieu entre la dynamique profonde de la subduction et la déformation de surface. Pour y parvenir, il est nécessaire d’étudier l’évolution qu’ont subi les roches au cours du temps.
En effet, dans les zones compressives comme celle-ci, les roches subissent un trajet complexe, qui va de l’enfouissement à grande profondeur jusqu’à l’exhumation en surface. Au cours de ce trajet, elles subissent de nombreuses modifications, en lien avec l’augmentation de la pression et/ou de la température. Il s’agit du processus dit de « métamorphisme ». Or, les réactions de recristallisation sont différentes en fonction des valeurs de pression et température que va subir la roche. Au fur et à mesure, elles vont ainsi « enregistrer » les conditions subies au cours de leur trajet. L’étude des roches métamorphisées permet donc de retracer le parcours des différentes unités géologiques et donc de comprendre la formation de ces chaines de montagnes.
Le problème de l’effacement des informations
Pourtant, il existe un problème majeur entravant la bonne interprétation des résultats. La signature métamorphique de haute pression/basse température, qui est l’une des premières à être enregistrée durant la phase de subduction, est généralement effacée et remplacée par les événements métamorphiques suivants, notamment durant la phase de collision. Pour l’orogène Bétiques-Rif, cette perte d’information se traduit par des difficultés à dater des événements tectono-métamorphiques plus vieux que 20 millions d’années, donnant l’illusion que toutes les phases de formation de la chaine se seraient enchaînées très vite. Afin de réviser cette évolution, Eloïse Bessière, de l’Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTeP), et ses collègues, ont entrepris d’effectuer de nouvelles datations sur des roches caractéristiques de la partie interne des Cordillères Bétiques. Ces nouvelles données, obtenues par datation 40Ar/39Ar (argon/argon), montrent que la phase initiale de haute pression/basse température (subduction) se serait terminée vers 38, voire 35 millions d’années et que l’âge généralement observé de 20 millions d’années correspondrait à l’étape de remontée et d’exhumation des roches.
Les résultats, publiés dans la revue Tectonics, permettent donc d’affiner le scénario de la formation de l’orogène Bétiques-Rif, en particulier pour les premières étapes de son évolution.
Morgane Gillard
Egalement dans la rubrique
- Brève n°2 - Des grains de pollen pour reconstruire l’histoire des mangroves
- Brève n° 6 - Dater les plissements tectoniques à l’aide des veines et des failles qui affectent les couches
- Brève n°33 - De la matière organique continentale enfouie au fond des océans !
- Brève n°34 - Les vers de terre ont un rôle essentiel dans la minéralisation du carbone organique
- Breve n°35-Le volcanisme de Mayotte ne serait pas lié à un point chaud
- Brève n°36 - Première image interne du nouveau volcan sous-marin, Fani Maoré, au large de Mayotte
- Brève n°37 - Volcanisme et tectonique découverts le long de l’archipel des Comores entre l’Afrique et Madagascar : Une limite de plaque en développement.
- Brève-n°38 - Au cœur de la structure des plagioclases : révision du formalisme thermodynamique permettant de modéliser le comportement de ces minéraux
- Brève n°39 - Des grains de pollen pour comprendre l’adaptation des arbres durant les dernières glaciations
- Brève n°40 - Déterminer la durée de la phase pré-éruptive d’un volcan grâce à l’analyse des roches volcaniques
- Brève N°23-01 - Expliquer la morphologie et le relief de la côte iranienne du Makran
- Brève_n°23-02
- Brève_n°23-03
- Brève_n°23-04
- Brève_n°23-05
- Brève_n°23-06
- Brève_n°23-07
- Brève_n°23-09
- Brève_n°23-10
- Brève_n°23-11
- Brève_n°23-13
- Brève_n°23-14
- Brève_n°23-15
- Brève_n°23-16
- Brève_n°23-17
- Brève_n°23-18
- Brève_n°23-19
- Brève_n°23-21
- Brève_n°23-22
- Brève_n°23-23
- Brève n°23-24
- Brève-n°23-25
- Brève_n°23-26
- Brève_n°23-28
- Brève_n°23-29
- Brève_n°23-30
- Brève_n°23-31
- Brève_n°23-32 - Plongée dans l’histoire tectonique fascinante des Caraïbes
- Brève_n°23-34
- Brève_n°23-35
- Brève_n°23-36 - Autopsie d’une dorsale ultra-lente : les processus d’exhumation disséqués
Chiffres clés
L'ISTeP comprend 108 membres dont :
- 12 professeurs
- 21 maîtres de conférences
- 2 directeurs de recherche CNRS
- 2 chargés de recherche CNRS
- 7 ATER et post-docs
- 26 doctorants
- 21 ITA-IATSS
- 17 collaborateurs bénévoles / émérites