Des failles et du magma : la complexe histoire de la marge du Mozambique
La rupture continentale est un mécanisme compliqué qui fait intervenir de nombreux processus différents, qui interagissent étroitement entre eux. C’est ce que nous révèle encore une fois une nouvelle étude portant sur la marge transformante de Limpopo, au sud du Mozambique.
Quand Afrique et Antarctique ont décidé de divorcer… de façon oblique
Il y a environ 200 millions d’années, les continents africain et antarctique étaient unis au sein d’un supercontinent bien connu sous le nom de Gondwana. La jonction entre ces deux masses continentales se situait au niveau de l’actuelle marge du Mozambique.
L’ouverture a démarré il y a environ 183 millions d’années, suivant un mouvement oblique, menant à la formation de marges dites transformantes. Le développement de ce type de marges est dominé par la présence de grandes failles cisaillantes, aussi appelées zones de fractures, qui permettent l’accommodation de l’extension oblique. Outre cette particularité, les marges transformantes montrent également de grandes variabilités au niveau des processus tectoniques et magmatiques mis en œuvre, ainsi que de leur architecture finale. La structure crustale et l’évolution thermique diffèrent ainsi significativement d’une marge transformante à l’autre.
Comme toutes les marges divergentes, les marges transformantes se caractérisent par trois grands domaines crustaux : le domaine continental, le domaine océanique et entre les deux, un domaine transitionnel. L’architecture structurale et magmatique de ces trois domaines témoigne des processus mis en œuvre durant leur formation. La lecture des structures qu’on y observe permet ainsi de reconstruire l’histoire des événements tectono-magmatiques qui ont donné naissance à ces marges.
Les marges de Limpopo représentent d’ailleurs un excellent exemple de marge transformante, mais sont pourtant encore très mal caractérisées. Cette méconnaissance vient principalement du manque de données jusque-là disponible sur la région. La nature de la croûte marquant la transition entre les domaines continental et océanique ont d’ailleurs fait l’objet de nombreuses discussions. Discriminer correctement la nature de la croûte transitionnelle est pourtant d’une importance majeure pour les reconstructions cinématiques des plaques. Une étude, publiée dans Tectonics, propose cependant une nouvelle interprétation des structures de la marge de Limpopo, sur la base de nouvelles données de sismique réfraction et réflexion.
Une intense activité magmatique favorisée par la tectonique
L’analyse des profiles sismiques a ainsi permis à Louise Watremez et à ses collègues d’identifier les principaux domaines crustaux, de mettre en évidence une intense activité magmatique et de carter les structures de la croûte et la géométrie de cette marge transformante particulièrement riche en magma.
Les résultats montrent notamment que la croûte continentale, épaisse d’environ 25 km, est recouverte d’une couverture volcano-sédimentaire de forte épaisseur (plus de 10 km), déposée lors d’une phase antérieure de rifting, avant l’initiation d’un mouvement oblique. D’un autre côté, la croûte océanique, particulièrement épaisse (8 à 14 km), se serait formée sous une intense activité magmatique, dans un contexte d’extension ultra-lente (8.3 mm/an). Entre ces deux domaines se trouve une zone transitionnelle de 50 à 60 km de large, caractérisée par une dynamique transformante, affectée par de nombreuses failles mais également par une intense activité magmatique. La présence de nombreuses unités intrusives et extrusives pourrait être attribuée à la combinaison d’une anomalie thermique en profondeur et à la présence d’une zone de faille en transtension, chenalisant le liquide magmatique jusqu’à la surface.
L’étude montre l’importance et l’intensité des processus magmatiques durant le développement de cette marge. Ce fort apport magmatique aurait été nettement favorisé par la présence d’une grande faille transformante et par l’interaction entre ces processus tectonique et magmatique.
Résumé rédigé par Morgane Gillard
Pour en savoir plus : Watremez, L., Leroy, S., d’Acremont, E., Roche, V., Evain, M., Leprêtre, A., et al. (2021). The Limpopo magma-rich transform margin, south Mozambique: 1. Insights from deep-structure seismic imaging. Tectonics, 40, e2021TC006915. https://doi.org/10.1029/2021TC006915
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