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ISTeP - UMR 7193
Institut des Sciences de la Terre de Paris

16 Ma d’accrétion océanique dans le Golfe d’Aden imagés par la sismique

Les processus menant à la création de la nouvelle croûte océanique, au niveau des dorsales, ne sont pas nécessairement les mêmes en fonction des segments. Cette variabilité spatiale est désormais bien documentée. Mais qu’en est-il des variations temporelles ? L’accrétion océanique est-elle un processus stable dans le temps, et notamment lorsqu’on considère toute l’histoire d’un bassin océanique ? L’article de Gillard et al. paru dans Frontiers in Earth Science met en lumière les variations du budget magmatique impliqué dans la formation de la croûte océanique du Golfe d’Aden, de l’ouverture du bassin, il y a 16 Ma, jusqu’à l’heure actuelle.

Sheba Ridge, une dorsale lente mais sous l’influence d’un point chaud

Située dans la partie orientale du Golfe d’Aden, la dorsale de Sheba, avec sa vitesse d’accrétion de 22,7 mm/an, se positionne à la limite entre une dorsale lente et ultra-lente. Les processus qui sous-tendent la formation de la croûte océanique peuvent donc être particulièrement complexes, les dorsales ultra-lentes étant caractérisées par des budgets magmatiques faibles et une prédominance des processus tectoniques (exhumation mantellique). Les dorsales plus rapides sont quant à elles généralement associées à des budgets magmatiques importants, du moins suffisants pour engendrer une croûte océanique clairement magmatique.

Une autre caractéristique du Golfe d’Aden est sa proximité avec le point chaud de l’Afar. Sa présence aurait ainsi directement influencé le processus de rifting et le développement des marges continentales dans la partie ouest du Golfe, conduisant à l’obtention de marges volcaniques dans cette région. L’influence du point chaud semble cependant se réduire progressivement avec la distance. Même si l’impact de l’Afar semble donc à priori très réduit dans les segments les plus à l’Est, la façon dont le point chaud aurait pu influencer ou affecter les processus magmatiques dans cette région est encore très peu documentée.

Des profils de marge-à-marge imageant l’histoire complète de la partie Est du Golfe d’Aden

Il est rare cependant d’avoir une vue d’ensemble de l’évolution des processus d’accrétion de la croûte océanique, en grande partie à cause de la localisation souvent restreinte des données géophysiques. Dans la partie Est du Golfe d’Aden, l’acquisition de grands profils sismiques lors de la campagne Marges-Aden en 2012, traversant le bassin océanique de part en part sur plus de 400 km de long, a cependant permis de retracer l’histoire géologique complète de ce bassin. 16 Ma d’accrétion océanique ont ainsi été imagés, grâce à des profils s’étendant de la marge d’Oman à la marge conjuguée de Socotra, et passant par la dorsale active de Sheba.

Ces données sismiques, complétées par des données magnétiques et de gravité, révèlent la topographie du socle océanique, son architecture, mais également sa variabilité dans le temps, notamment en termes d’apport magmatique.

L’interprétation des données sismiques a ainsi permis de mettre en évidence l’architecture de la croûte océanique dans la partie Est du Golfe, le long du segment Socotra-Sharbithat. Les auteurs de l’étude ont pu identifier différents domaines océaniques, notamment grâce à l’observation de déformations tectoniques et d’adjonction magmatique hors-axe.

Pulse magmatique et variations du mode d’accrétion

Une croûte océanique se forme au niveau de la dorsale. En théorie, ce centre d’accrétion représente le siège de la déformation et de l’activité magmatique ayant lieu dans un bassin océanique en expansion. Les mécanismes de création de la nouvelle croûte, qu’ils soient magmatiques ou tectoniques (par le biais de failles de détachement exhumant du manteau), sont donc localisés sur l’axe de la dorsale. Une fois la nouvelle croûte créée, celle-ci va progressivement être poussée loin de l’axe par le processus d’accrétion continu mais elle ne subira plus, ou très peu, de déformation d’origine tectonique ou d’adjonction magmatique.

Pourtant, l’observation des transects sismiques traversant de part en part la partie Est du Golfe d’Aden révèle qu’une partie de la croûte océanique a été remaniée et surimprimée par un événement magmatique ayant eu lieu il y a 11 Ma. Morgane Gillard et ses co-auteurs interprètent cet événement comme une arrivée soudaine et massive de magma ayant menée à la formation d’un plateau magmatique. Ce pulse magmatique aurait eu lieu à l’axe de la dorsale mais aurait impacté la croûte océanique déjà formée sur une distance de 20-25 km de part et d’autre de l’axe, engendrant une déformation de la croûte préexistante, la mise en place de laves au toit du socle ainsi que dans les sédiments déjà déposés, mais également en ajoutant du matériel magmatique à la base de la croûte. Cet événement magmatique corrèle de plus avec une modification de l’architecture de la croûte sur le long terme. Alors que les caractéristiques du socle océanique le plus ancien semblent évoquer des processus d’accrétion hybrides (apport magmatique faible et intermittent associé à de l’exhumation du manteau), le domaine océanique plus jeune serait quant à lui associé à un mode d’accrétion lent mais plus clairement volcanique. La transition entre ces deux modes d’accrétion serait à associer au pulse magmatique survenu il y a 11 Ma.

Les auteurs suggèrent d’ailleurs que cet événement magmatique pourrait être lié au point chaud de l’Afar et vu comme l’expression la plus orientale de son influence.

Pour plus de détails, l’article est disponible en intégralité sur Frontiers in Earth Science.

Morgane Gillard

11/01/24

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